Stephen King, le maître du Fantastique, est à Paris ces jours-ci. Il vient présenter son dernier roman, Dr Sleep, la suite du célèbre Shining.
Extraits d’interview, entre humour, souvenirs, frissons et talent :
Comment je me sens d’être là? Ravi! Moi, je suis un vieil écrivain lessivé, alors quand je vous vois tous là, nombreux, j’ai l’impression d’être Justin Bieber… Question suivante?
à propos de Shining : ma femme et moi venions d’avoir une petite fille – nous avions déjà un fils, qui deviendrait l’écrivain Joe Hill – et ma belle-sœur nous avait proposé de garder les enfants pour prendre quelques jours tous les deux ;nous nous sommes retrouvés au Stanley Hôtel, dans le Colorado. Nous étions les seuls clients. C’était effrayant. On est arrivés alors que tous les clients partaient. J’ai demandé à la réceptionniste : On peut passer le week-end ici ? Elle m’a répondu : Oui si vous payez en liquide. J’avais des travellers chèques et nous sommes restés. Et ça nous a bien foutus les jetons ! Le bruit du vent, l’immense salle à manger vide. Nous avons dîné seuls, dans une salle à manger gigantesque où les chaises étaient retournées. Ma femme s’est absentée, et j’ai regardé une lance à incendie enroulée au mur en me demandant si elle pourrait se transformer en serpent. Le temps que je regagne ma chambre, j’avais un livre entier dans ma tête.
Beaucoup de gens considèrent Shining comme le livre le plus effrayant qu’ils aient lu dans leur vie. Mais vous aviez 14 ans, vous étiez en colonie de vacances et vous le lisiez à la lueur d’une lampe-torche sous les couvertures. Je veux vous faire crier, je veux vous tirer les larmes, mais vous étiez si impressionnables à l’époque, vous étiez vierges, c’était si facile de vous effrayer.
à propos de Carrie : j’ai connu plusieurs filles qui ressemblaient à Carrie. Une s’est donnée la mort. En écrivant Carrie, je voulais simplement leur permettre de se venger contre toutes les brutes des écoles… Il y a eu beaucoup trop d’adaptations, des films, un show à Broadway… Regardez la taule que vient de prendre le remake du film aux Etats-Unis! Pourquoi pas Carrie, le spectacle de marionnettes?
à propos de Docteur Sleep : D’habitude, lorsque je termine l’écriture un roman, je sais que j’en ai fini avec mes personnages. Non pas parce que je ne les aime pas, mais parce que je ne sais pas ce qui va leur arriver après, a expliqué le romancier. Or, avec Danny Torrance, cela a été différent : il n’a jamais réellement quitté mon esprit. Danny a eu une enfance assez dramatique. J’étais curieux de savoir ce qu’il deviendrait une fois adulte et ça ne m’arrive pas très souvent.
le pouvoir qu’il aurait aimé posséder : Celui que possède Danny Torrance : J’aimerais pouvoir retrouver les objets perdus. Vu que je ne trouve jamais la moutarde dans le réfrigérateur, ma femme assure que les hommes souffrent de la cécité du réfrigérateur, une maladie qui empêche de trouver quoi que ce soit dans le frigo. Alors qu’elle arrive et met la main dessus directement… Lire dans les pensées des autres comme l’enfant de Shining, ce n’est pas pour moi. Regarder dans le trou de la serrure, ça peut vous revenir dans la figure.
secrets d’écriture : La clé pour effrayer son lecteur est de créer des personnages auxquels on s’attache, pour lesquels on a de l’empathie. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut trembler pour eux.
sur ses peurs : J’ai surtout peur de la maladie d’Alzheimer. De la baisse de mes capacités intellectuelles. Ça, ça me fiche vraiment la trouille. La mort ? C’est sûr que l’idée devient moins théorique qu’autrefois, pour moi. Je m’intéresse au fait de mourir, le seul phénomène universel que nous connaissons tous… avec la naissance. C’est un mystère, personne n’a jamais raconté. J’essaie de comprendre.
sur Maximum overdrive, seul film qu’il a réalisé : C’était un film horrible! Je travaillais avec une équipe italienne et on ne se comprenait pas. J’étais saoul et défoncé la plupart du temps.
sur la publication de livres sur internet : Aujourd’hui, il n’y a plus de gardien de but, plus personne pour vous dire que votre grammaire est nulle, que votre truc est plein de clichés, donc les gens balancent les mots n’importe comment, et ils s’en foutent. Il n’y a pas grand-chose à faire hormis espérer que les lecteurs recherchent la qualité. Or certains de ces livres marchent… Fifty Shades of Grey, franchement, c’est pas très bon
sur sa venue en France : Si je ne suis jamais venu en France, c’est que j’avais honte : vous parlez ma langue, moi je ne maîtrise par la vôtre. Et puis, récemment, je me suis dit : après tout, il y a tant de jeunes rockeurs anglo-saxons qui y vont, alors pourquoi pas un vieil auteur américain?
sur son prochain roman : Je ne sais pas qui de l’œuf ou de la poule a l’antériorité, mais j’ai écrit l’histoire d’un personnage qui planifie une attaque, juste au moment des événements de Boston.
sur son séjour à Paris : J’ai bien prévu quelques virées pendant mon temps libre mais si je vous le disais, je serai ensuite dans l’obligation de vous tuer… (rires) Je vais probablement visiter le Louvre. Acheter du rouge à lèvres pour embrasser la tombe d’Oscar Wilde. Et me recueillir auprès de celle de Jim Morrison. Il y a les catacombes, aussi. Que voulez-vous, je suis comme je suis : un homme de cimetières !