Une petite explication des différences entre les littératures de l’imaginaire, par Denis Guiot, directeur de la collection Mini Soon, aux éditions Syros, dans une interview à destination des enseignants. Il explique que le genre est accessible aux enfants dès le 3e cycle :
Quelle est votre définition de la science-fiction ?
« La littérature romanesque peut se répartir en deux champs : le champ des littératures dites « mimétiques », c’est-à-dire dont l’objectif est de « mimer » la réalité (littérature générale ou mainstream, roman policier, historique, sentimental, etc.) et le champ des littératures dites « non-mimétiques », qui ne miment pas la réalité, bien au contraire, elles la réinventent et on les appelle parfois « littératures de l’imaginaire ».
Faisons le point sur ces trois genres cousins des littératures non-mimétiques : le fantastique, la fantasy et la science-fiction, souvent confondus dans l’esprit du grand public.
• Le fantastique prend sa source dans une déchirure du quotidien. Cette déchirure s’ouvre sur un irréel rebelle à toute explication, inquiétant et mystérieux. C’est l’irruption de l’irréel dans le réel. Le fantastique est le domaine de l’inconnu, de l’obscur, de l’informulé voire de l’impensable ; c’est l’instant où le réel, la raison et les convictions vacillent. Touchant aux angoisses fondamentales de l’être humain, remettant en question l’ordre apparent des choses, le fantastique cherche à distiller chez le lecteur le malaise et la peur. Exemple : Stephen King.
• La fantasy ne bouleverse en rien le quotidien, car les univers de fantasy n’ont aucune intersection avec le nôtre. Le lecteur y adhère par un acte de foi. C’est le royaume des contes et légendes, de la magie, du merveilleux, où il est naturel que les animaux parlent, que les magiciens jettent des sorts et que les dragons gardent des trésors. Il est souvent initiatique et porteur de morale (car proche du roman d’apprentissage). Exemple : Le Seigneur des anneaux de Tolkien ou Harry Potter.
• La science-fiction, selon la définition concise et pertinente de Gérard Klein (écrivain, essayiste et directeur, depuis sa création en 1969, de la collection « Ailleurs et Demain » chez Robert Laffont) : « décrit de manière réaliste ce qui n’existe pas ». Elle fonctionne selon le mode de la spéculation logique. La SF est tenue de rendre plausible (attention, je n’ai surtout pas dit « possible ») son récit, même si, pour cela, elle doit user de pseudo-explications. Ce qui compte, c’est la rigueur et la cohérence interne du récit.
Pour bien me faire comprendre, je vous propose de prendre un exemple. Imaginez que dans un roman, il y ait une scène où un chat demande à manger à son maître.
- Si le chat se frotte contre la jambe de son maître, miaule à fendre l’âme, bref se comporte comme un chat ordinaire : vous êtes dans un roman relevant de la mimesis, de la littérature mimétique où la littérature mime le réel. Après, que ce soit un roman historique, psychologique, sentimental ou policier, peu importe, cela ne dépend pas du chat.
- Maintenant, si le chat se met à parler pour réclamer son Ron-ron, du style « Alors, elle vient ma gamelle ? J’ai la dalle, moi ! », alors là, pour sûr, vous êtes dans de la littérature non-mimétique, car un chat qui parle, cela n’existe pas. Reste à savoir dans quelle branche des littératures non-mimétiques nous sommes.