j’écris rarement des chroniques, exercice périlleux dans lequel je ne me sens pas forcément à l’aise ni à ma place, mais là…
Elzéard, le vieux berger, n’a pas besoin de mots. Il n’en connaît que trop les pièges.Digressions, mensonges et sous-entendus.
Alors, pour combler le vide des paroles, il décide de faire silence, non qu’il parlât beaucoup jusque là.
Empreint d’une sagesse toute bouddhiste, il se sent riche du peu qu’il possède, dénuement gandhien où chaque objet de son quotidien a sa juste place, son utilité, son histoire, sa vie.
Il connaît « l’émerveillement nu ». Il sait, il sent les choses, les êtres. Sa vie est son chant, un chant silencieux, celui de l’univers dont il est part entière, humble, ni plus ni moins.
Son credo est donc universel, acceptation de ce qui est, de ce qu’il est.
Émerveillement sans cesse renouvelé devant le banal devenu invisible à d’autres : Le cycle des saisons, les langages du ciel, les richesses de la terre et la beauté des êtres.
Conscience de l’essentiel, dans un monde voué au superficiel, qui avance, impitoyable.
« Le chant d’Elzéard est chant de liberté. Le chant d’Elzéard est chant de soumission. Condition d’homme pleinement acceptée, avec tout ce qu’elle suppose de dépendance à l’égard de ce qui la dépasse, la modèle, la construit… »
Cela fait quelques temps que je n’avais rien lu d’aussi touchant et poétique (je lis en ce moment, hélas, fort peu, je dois l’avouer). On aimerait faire un bout de chemin de vie en compagnie de ce berger-là, partager pour un temps son apaisant silence, ralentir un instant la course effrénée de nos vies, s’assoir avec Elzéard, loin des Tumultes.
J‘ai, en lisant, fait inconsciemment un parallèle avec les derniers indiens d’Amazonie. Ce personnage s’en rapproche beaucoup, de par sa philosophie adoptée face au monde qui l’entoure, au « progrès » dans son inéluctable marche.
Un très beau récit de la charmante et talentueuse Anne Vocanson, aux éditions Souffles.