En plus d’écrire de – superbes – nouvelles, Emmanuelle Cart-Tanneur m’a fait la gentillesse, l’honneur et l’amitié de préfacer mon premier recueil, intitulé Infemmes et sangsuelles – à paraître prochainement aux éditions Lune écarlate.
Je vous livre ici cette fort jolie introduction qui, je l’espère, vous donnera envie de lire ledit recueil, dont à propos au sujet duquel je vous donnerai bientôt de plus amples infos.
L’homme qui aimait les femmes
Par Emmanuelle Cart-Tanneur
Préfacer un recueil est loin d’être une mince affaire.
Préfacer celui-ci s’apparente au défi, tant il me semble criminel (et le mot se plaît dans l’ouvrage) de retenir le lecteur par la manche alors que tout, évidemment, l’attire dans les pages qui vont suivre.
Il faut pourtant qu’on l’avertisse. Car il doit s’attendre au pire – à raison, mais aussi à tort.
Misogyne (il aura été séduit par le premier mot du titre), il sortira ravi de sa lecture : la femme, ici, est décidément bien le diable en jupons qu’il a toujours décrite.
Gynophile (c’est le second mot qui lui aura fait de l’œil), il sera outré : quelles sont ces femmes que décrit l’auteur, ces diablesses, ces criminelles ? Pas de vraies femmes, assurément !
L’un comme l’autre auront tout faux : les héroïnes de ces histoires ont beau être des psychopathes, des ensorceleuses, des manipulatrices ou des succubes, elles n’en sont pas moins touchantes dans leur atavique faiblesse ; c’est même ce qui force encore l’admiration lorsqu’on les rencontre, combatives, tenaces, volontaires, en lutte permanente avec le Diable qui règne ici-bas et qui, qu’on ne s’y trompe pas, est bel et bien l’Homme. Cet Homme qui a beau jeu de jouer les faibles, les falots, les impuissants, les pris au piège de ces démones, car n’est-il pas à l’origine de leur inévitable métamorphose ?
On pourrait disserter sans fin sur le message psychanalytique véhiculé par ces nouvelles ; mieux vaudra se pencher, et rester admiratif, sur la forme que l’auteur a su leur donner.
Et quelle forme !
Ce n’est pas un hasard si les prix littéraires et les publications en fanzine ont plu, telle une averse de météorites, sur ce travail d’orfèvre que le lecteur s’apprête à découvrir.
L’auteur manie la plume comme l’artiste son pinceau le plus fin ; la langue, il la connaît et la maîtrise parfaitement, au point de s’autoriser (à raison!) quelques néologismes si bien venus qu’on ne douterait pas de leur existence ; de glisser, ici ou là et l’air de rien, quelques alexandrins qui renforcent le courant qui vous entraînait déjà ; de se glisser dans une époque en adaptant sa langue, du Moyen-Âge à nos jours, avec une facilité déconcertante et surtout, imperceptible – à l’instar d’un polyglotte de naissance, capable de nous faire croire qu’il a vécu en ces temps, en ces lieux.
Sivaine, Idoine, Avanie, les prénoms de ses héroïnes pourraient rappeler ceux d’une auteure à chapeau, mais nul doute qu’on préférera reconnaître, ici ou là, l’influence et l’univers d’Oscar Wilde, de Stephen King ou d’Edgar Poe. Rien d’étonnant, au demeurant, de la part d’un auteur biberonné depuis l’enfance à l’encre de Lovecraft ou de Bradbury…
Ces personnages, infemmes et sangsuelles, cet auteur les aime, plus que de raison. Sac à main, miroir, fourrure, tout dans leur univers lui est inspiration. Star ou mendiante, executive woman ou écolière, il les met en scène avec le talent d’un Hitchcock et les emmène, sous nos yeux ravis (d’effroi, parfois), là où il l’a décidé – à savoir, bien souvent, au beau milieu de la vie d’un homme, pauvre victime apparente mais qui l’a, en réalité, souvent bien cherché.
Je ne saurais retarder davantage le plaisir qui attend le bienheureux possesseur de cet ouvrage. Qu’il se délecte, à petites gorgées, ou à grandes goulées, de ce nectar doux-amer, et qu’il en laisse revenir la saveur à ses lèvres à son simple souvenir. Car il n’oubliera pas de sitôt toutes ces femmes et leurs histoires, ni cet auteur si talentueux.
Cet auteur qui, s’il s’en défend parfois, est bien un amoureux des femmes : il ne me paraîtrait pas possible, si ce n’était pas le cas, d’en parler mal… si bien.