Livré pour vous 13 mars
Cela fait maintenant trente ans qu’est né le dernier enfant. Trente ans que ce maudit virus a frappé, stérilisant toute la population de la Terre. Trente ans que l’humanité agonise, se désespère, à bout de souffle, à court d’idées.
Mais aujourd’hui pourtant débute une ère nouvelle. Un enfant est né, d’une encore jeune femme hélas morte en couches. C’est un garçon. Un mâle. Un miracle, la promesse d’un futur. Il n’a pas encore de nom que déjà les médecins veulent l’étudier, lui faire subir tout une batterie de tests, de prélèvements, pour découvrir comment ce sauveur de trois kilos pourrait ressusciter la race humaine moribonde. Mais avant cela, il faut rasséréner la plèbe.
Un grand show télévisé est organisé pour présenter ce nouveau messie à la terre entière. L’animateur fend le public d’un large sourire, le bébé à bout de bras, le présente aux caméras. L’enfin-né regarde tout autour de lui avec des yeux ronds de curiosité puis fronce un sourcil et se met à pleurer, sous les acclamations de la foule qui n’a plus entendu de vagissement depuis trop longtemps.
Il est le symbole du renouveau tant promis, du retour de la fertilité. Tous veulent le voir, le toucher, le porter. Des mains se tendent, des cris de joie s’élèvent. On s’arrache le bavoir plein de lait caillé, les langes souillées… Chacun veut repartir avec un bout de layette du nourrisson, une mèche de ses cheveux, quelques centimètres du cordon, comme autant de reliques sacrées. On se bouscule, on s’invective, on se bat.
Sur l’écran, quand l’image redevient nette, la foule, repue et satisfaite, s’est dispersée. Le plateau de télévision est désert. Le présentateur de l’émission gît, inerte, sur un strapontin à l’arrière-plan.
Il ne reste plus du futur de l’humanité qu’une petite tache de sang sur le sol vitrifié, vite essuyée du coin de son mouchoir par le technicien-son.