Cahier de vacances 22 juillet
Parce que j’ai emmené mon cerveau en vacances, voilà le fruit de mes agitations neuronales de ces 15 derniers jours passés en famille au bord de l’océan, à regarder la mer, lire, écrire, regarder la mer…
Supposons…
Au moment de pénétrer au centre du trou noir, les passagers et les membres d’équipage du Blackhole, le vaisseau d’exploration de la Fédération des Planètes Unies, étaient envahis d’une appréhension grandissante : Après tout, leur astronef n’avait-il pas la forme d’un suppositoire ?
Une vie de chien
Devant l’insistance de leur fils Théo, ses parents lui offrirent le jour de son neuvième anniversaire un chiot, une jolie femelle beagle enjouée et obéissante prénommée Zara. Mais en prenant soudainement conscience du temps, des soins et de l’affection qu’il faudrait lui accorder, ils se résolurent trois jours plus tard à l’abandonner.
Théo, pas Zara…
Qui bramera le dernier
Hubert craqua une allumette et bientôt les bûches crépitèrent dans la vieille cheminée de pierre. Après avoir plombé tout son soûl lors de ses week-ends de chasse, il avalait quelques verres, confortablement installé dans le canapé du chalet et, engourdi par la chaleur du feu et de l’alcool, laissait glisser son esprit jusque dans le sommeil.
La nuit et la bouteille étaient tombées. Dehors, un cerf se mit à bramer, faisant bondir le rythme cardiaque du chasseur à moitié endormi, qui laissa échapper son verre vide sur le plancher. Un second râle s’éleva de l’autre côté du mur de rondins, un peu plus proche, lui glaçant les sangs. Il lâcha un rot, bien ridicule à côté des clameurs qui provenaient du dehors. Hubert détestait ça. Dorénavant tout à fait réveillé, il imaginait ces abominables monstres à l’affût, ruminant leur vengeance, tournant autour de la cabane, se vit dehors, à leur merci dans le noir total, sans défense, redevenu proie… Ce fut bientôt un concert de sons gutturaux effrayants qui s’élevèrent à l’extérieur de l’abri, pour le malheur d’Hubert, d’ordinaire trop soul pour les entendre, mais qui ce soir vivait un vrai cauchemar.
Surtout que la tête de cerf empaillée au-dessus de la cheminée répondit à leur appel, les poils hérissés, les naseaux sifflants, donnant de brusques coups à gauche et à droite sans cesser de le fixer de ses yeux de verre dans lesquels Hubert, au comble de la terreur, pouvait lire la plus intense des rages.
Deux randonneurs effrayés appelèrent la gendarmerie au petit matin. Ils avaient trouvé la cabane dévastée, porte enfoncée, meubles réduits à l’état de petit bois, vide de tout occupant. Une lutte féroce semblait avoir eu lieu à l’intérieur, vu la quantité de sang sur le sol et les murs, mais les enquêteurs ne découvrirent aucun cadavre. Seulement des dizaines d’empreintes de pattes constellant les flaques pourpres, des touffes de poils appartenant à différents animaux, de profondes traces dans les voliges de la porte qui laissaient penser qu’elle avait été enfoncée par un cerf et une longue traînée sanguinolente qui s’enfonçait dans la forêt.
On identifia les empreintes et les poils comme étant ceux de deux cervidés de belle taille, d’au moins trois sangliers et d’un faisan, d’après les quelques plumes collées sur le dossier du canapé par le sang coagulé, sang qui provenait bien de l’infortuné Hubert.
Personne ne nota la disparition, au-dessus de l’âtre, de la tête empaillée du dix cors.
Sopor-pouvoir
Encadrés par les forces de l’ordre, un ballet d’ambulanciers et d’infirmiers s’affairaient à évacuer de la banque, sur des brancards, une trentaine de personnes inconscientes. Certaines ronflaient, d’autres suçaient leur pouce dans leur sommeil. Les trois derniers à être extraits du bâtiment, menottés à leur civière, portaient encore sur le visage les bas qui leur avaient servi à commettre le braquage.
Dans la foule de badauds, Rosa Square, pigiste au Daily Universe, s’intéressait à la conversation qui avait lieu de l’autre côté du cordon de sécurité entre l’inspecteur Gordown et un type aux yeux cernés, à la chevelure ébouriffée, vêtu d’un simple pyjama de coton à la poitrine brodée d’un B majuscule, et chaussé d’une paire de charentaises élimées, qui avait l’air de sortir tout droit de son lit.
-
Ne vous inquiétez pas, ils se réveilleront tous d’ici une huitaine d’heures, frais et dispos, disait ce dernier. Le personnel et les clients aptes à témoigner, les filous à être jugés. Sans blessés, ou presque… La stagiaire, assise sur la photocopieuse, jupe relevée au moment où je suis intervenu, devra se faire refaire la mâchoire, j’en ai peur… Cela dit, je ne suis pas sûr que les photocopies en question soient d’une grande utilité dans votre enquête. J’ai rencontré une fois une…
Le policier, qui sentait déjà ses yeux picoter, serra chaleureusement la main de son vis-à-vis, l’interrompant au début d’un soliloque qu’il pressentait interminable, et lui lança :
-
Encore merci, Bâille-man ! Grâce à vous, la ville peut dormir sur ses deux… Enfin, je veux dire, merci, quoi !
Puis il retourna à son enquête. Il avait encore de la paperasse à remplir. Il ne faudrait pas qu’il s’endorme sur son rapport.
Rosa fit défiler les photos des deux hommes prises avec son smartphone. Les cheveux emmêlés et les pantoufles ne suffisaient plus à la tromper. Elle en était quasiment sûre : Cet énigmatique Bâille-man ne pouvait être que son ennuyeux collègue de travail, Lenny Fiant.
Héroïque ment
Ce n’est qu’après s’être persuadé qu’il avait empêché le crash d’un avion de ligne en flammes au-dessus de l’Atlantique, délivré les otages d’un braquage de banque, sauvé d’une mort certaine un petit garçon coincé dans un puits à trente mètres de profondeur et avoir confié à l’infirmier qu’il allait être médaillé par le Président en personne pour sa bravoure que Mytho man parvint enfin à s’endormir, avec l’intense satisfaction du devoir accompli.
Train fantôme
Les âmes qui reposaient depuis des siècles dans le vieux cimetière indien, enfouies sous une bonne épaisseur de sable dans un coin du terrain vague, menaient une mort plutôt paisible, à la limite de l’ennui.
Une fois l’an, à l’automne, une fête foraine venait heureusement poser ses attractions sur la parcelle pendant quelques jours. Une certaine agitation parcourait alors la ville voisine à l’approche des festivités.
De même, des frémissements d’excitation parcouraient les sépultures lors de l’installation des manèges. plus particulièrement de celui du train fantôme, qui posait ses rails juste au-dessus.
C’était l’attraction la plus populaire de l’événement.
Et pour cause : C’était bien au monde le seul train fantôme à employer de vrais fantômes,
Qui prenaient place dans les wagonnets tandis qu’au-dehors, les vivants tentaient de les effrayer en agitant les bras et en poussant des hou-hou plus ou moins crédibles.
Ce n’est pas souvent que vivants et morts pouvaient se distraire, dans le coin.
La naïade
Tu es réapparue au bout de trois jours à la faveur de la marée montante, sirène sortant des flots, nue, ruisselante, les cheveux emmêlés de varech, dans les filets d’un chalutier.
J’aurais dû mieux serrer tes liens et rajouter plus de lest à ton corps.
C’est que ça glisse, les écailles…
Pêche miraculeuse
Après une longue nuit de pêche à lutter contre une mer déchaînée, Baptistin ramena dans ses filets, juste avant les premières lueurs de l’aube, une magnifique sirène aux yeux doux et au sourire angélique.
Mais entre eux ne naquit point de fabuleuse histoire d’amour. Le pêcheur lui brisa la nuque d’un vigoureux coup de gourdin, la vida, l’écailla et en vendit darnes et filets sur le port à la criée du matin, pour le plus grand bonheur des restaurateurs de son petit village insulaire.
C’est que ça devenait hors de prix, le poisson…
Les choses en grand
Pour la parution de son dernier ouvrage, l’auteur avait vu les choses en grand. Avec chaque exemplaire de son recueil de micro-nouvelles, imprimé sur un livre plus petit qu’un timbre-poste, était offert un microscope. De poche.
Question de style
Toujours tiraillé entre deux styles pour bâtir ses histoires, il n’écrivait que des romans gothiques.
Son seul défaut
Bien sûr, le pêcheur et la jolie sirène qu’il avait prise dans les mailles de son filet par une nuit de lune rousse vécurent une longue et fabuleuse histoire d’amour,
Mais bon sang, qu’est-ce qu’elle sentait le poisson !
Coup de soleil
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Chéri, n’oublie pas de te passer de la crème. Le soleil tape fort, aujourd’hui.
Sur la serviette, à côté d’elle, le monticule de cendres grises encore fumantes consciencieusement éparpillées par le vent ne répondit rien. (ne souffla mot ?)
Reconversion
Alcoolique, ce romancier sans talent se promit, après l’échec cuisant de son troisième livre, de ne plus boire d’alcool qu’entre deux histoires qu’il écrirait. C’est ainsi qu’il devint en à peine quelques mois un maître incontesté dans l’art difficile de la micro-nouvelle.
Et mourut, comme on peut s’y attendre, non d’une cirrhose du foie mais d’une mauvaise chute.
La prophétie
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Nom d’un magnum, quand ma femme va rentrer, qu’est-ce que je vais prendre !
C’est ainsi que Jéroboam, passablement saoul après avoir bu plus de cinq litres de vin, devint devin.
L’aiguillage
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Tu es sûre que tu as bien actionné l’aiguillage au dernier embranchement ? demanda René à Josiane en voyant le TGV se rapprocher de leur vélo-rail à la vitesse de la lumière.
A une lettre près #25
La jeune fille avait d’abord cru à une faute de frappe en lisant sur le menu du restaurant la composition du « burger gourmand », qui indiquait la mention « bœuf frais mâché par nos soins ».
Puis elle leva le nez de la carte et découvrit, à sa grande stupeur, assise derrière le comptoir entre la friteuse et les plaques de cuisson, coiffée de la casquette publicitaire du snack, une vieille dame en train de mâchonner placidement une pièce de viande des trois dents qu’il lui restait.
L’attente
Il ne me viendrait pas à l’idée de critiquer la lenteur du service de ce restaurant mais il me semble bien que quand j’ai commandé mon repas, le vieillard chenu qui me regarde avec insistance dans le grand miroir qui me fait face, fixé au mur du fond de la salle, était encore adolescent.
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