An Vingt, quinzième septain

En avril,
ne te déconfine
pas d’un fil

Avril viral ? Lirai, ravi !

(Gaëlliques à vrilles – 8 avril)

J’avais promis à ma femme un bain bien chaud et un bon dîner à son retour du travail. Quand la clé tourna dans la serrure, j’augmentai le feu sous les marmites d’eau frémissante où flottaient déjà quelques légumes et saisis le hachoir.

(Gaëlliques conjugales – 9 avril)

Chère télévision
Pourrais-tu arrêter
de passer en boucle
la pub pour Covidis ?
Pour toi, la vie,
c’est ça, crédit,
Mais pour nous autres,
c’est sacré, dis !

(Gaëlliques cathodiques – 10 avril)

Avril
A l’aube
Au bord de l’océan
Admirer le lever du soleil
Alone
Apaisé
Alangui
Avec juste
Aux oreilles le vent
Amoureux des vagues

(Gaëlliques hors-saison – 11 avril)

Je connais dans un presbytère un curé qui soigne ficus, yuccas et fougères par la prière. Devinez quoi ? Les autres prêtres l’appellent le père vert. Je connais également une nonne qui passe ses journées à la cave, la tête sous le tonneau, à goûter les récoltes des vignes du Seigneur. Eh bien, les sœurs du couvent l’ont surnommée la mère rouge.

(Gaëlliques ecclésiastiques – 13 avril)

- Et on termine cette visite de l’ISS par le module Beam, un habitat spatial gonflable qui est t… oui, recrue, une question ?
- Oui, commandant, ce bouton rouge, là, à quoi il sert ?
- N’y touchez surtout pas, malheureux ! Il nous ramènerait sur Terre. Ils sont tous confinés, là-bas !

(Gaëllique spatiales – 14 avril)

 



An Vingt, septain quatorzième

Je leur annoncerais bien la victoire totale sur l’épidémie et la fin du confinement grâce à l’extrême efficacité de la politique du gouvernement lors de ma conférence de presse de ce soir, mais je ne suis pas sûr que ça fasse marrer grand monde aujourd’hui, se dit le premier ministre au moment de rédiger son intervention télévisée.

(Gaëlliques et attrapes – 1er avril)

Ce champ de maïs
semblait avoir été peint
par Van Gogh
d’après une description
que lui en aurait fait
Stephen King

(Gaëlliques paysagères – 2 avril)

Dans tous les gâteaux de tes anniversaires, j’ai mélangé un quart d’énergie, un quart de tendresse, un quart de gentillesse et un quart de malice. Je les ai laissés lever tendrement pendant dix-huit ans en te regardant discrètement grandir et dorer à travers la vitre du four. Le résultat, tendre et croustillant à la fois, est à croquer, et me rend chaque jour un peu plus fier d’être ton papatissier..

(Gaëlliques d’anniversaire – 4 avril)

Jadis je faisais le mur
Désormais je fais mûr
Un jour je ferai l’mort

Alors ça sert à quoi
Que je me casse le col ?

(Gaëlliques à mur-mures – 5 avril)

Quand il l’a vu passer au large, l’étique naufragé enhaillonné de guirlandes d’algues brunes s’est enfoui à toute vitesse sous le sable blanc de son île déserte, se faisant tout petit, parfaitement immobile et silencieux jusqu’à ce que le titanesque paquebot de croisière ait disparu de l’horizon. Pas question ces temps-ci de déroger aux gestes barrières.

(Gaëlliques prudentes – 6 avril)

Au programme de la fête de l’avriculture :
10 h : Poison d’Avril (Rock avricole)
14 heures : Championnat de crachat de noyaux d’avrocats
16 heures : Showcase : Avril Lavigne.
Tout au long de la journée :
Démonstration d’arrachage d’avrichauts « à l’ancienne »
Dégustation d’avricots
21 heures : Grand feu d’avrifice.
Fête de l’avriculture, l’Isle sur Avray,
à partir de 9 heures
Dimanche 3 mai 2020

(Gaëlliques avriolantes – 7 avril)



An Vingt, treizième septain

Sur mon attestation de déplacement dérogatoire, j’ai indiqué comme motif « aller ratisser des carottes sur la planète Mars ». Hier j’avais marqué » « ratisser la soupière », les flics m’ont laissé passer. Je crois qu’ils ne vérifient pas vraiment les raisons de nos sorties. Demain, j’irai faucher des patates sur Ganymède et vendredi je fais une soupe !

(Gaëlliques dérogatoires – 25 mars)

Je sais,
depuis le temps
que tu t’y entraînes sur ta console
tu es déçu
que tous ces morts
ne se relèvent pas
avec des envies
de cerveaux frais.
Mais crois-moi sur parole
tu auras d’autres occasions
en grandissant
d’étrenner
ton fusil-tronçonneuse.
Il reste des vivants.

(Gaëlliques de consolation – 27 mars)

A force
d’aligner des livres
sur les rayonnages
de tous les murs
de la bibliothèque
dans laquelle
je me suis installé
confortablement
pour lire
je crois que
je n’en retrouverai plus
la porte de sortie
si seulement
je la cherche un jour

(Gaëlliques idéales – 28 mars)

En entendant les paroles du président à la télé, j’eus un tremblement d’effroi : nous étions en guerre contre un virus, il fallait rester confinés en famille, pour une durée officieusement indéterminée mais provisoirement définie à une quinzaine de jours par notre Gouvernement.

La guerre…
Sur le canapé du salon, ma femme était en train de gagner celle qu’elle avait déclarée il y a plusieurs années à l’apesanteur et aux pots de Ben & Jerry’s parfum Caramel Chew Chew.
Du coin de l’œil, j’aperçus ma fille qui menait une lutte inégale et quotidienne depuis déjà six mois contre son adolescence ingrate face à son miroir de poche moucheté de sébum, et en entendant le fracas barbare de la bataille à laquelle se livrait mon fils dans sa chambre, sur sa batterie, contre nos voisins du dessus, un couple de retraités sans histoires heureusement sourdingues, je me fis la réflexion qu’elle était bien mal barrée, cette guerre…

Mais j’ouvris quand même la fenêtre à vingt heures précises pour me battre avec l’ensemble de mes concitoyens réquisitionnés, frappant courageusement mes mains l’une contre l’autre dans l’obscurité pendant deux longues minutes, submergé par le sentiment de servir vaillamment ma patrie, d’être en quelque sorte un héros du quotidien, semblable moi aussi à ceux que j’applaudissais, avant que ma femme, rompant le charme, ne me crie sèchement depuis son canapé :
- Ferme ça, crétin, tu vas nous faire attraper la mort !

(Gaëlliques martiales – 29 mars)

Hiver de fin 2020
- Bonjour, facteur !
- Bonjour madame Michu, c’est pour le calendrier.
- Ah, faites voir ce que vous avez cette année. Pas des motos, hein, ni des bagnoles, mon mari est mort en mars. Ni des chatons ou des dessins animés, mes enfants aussi sont morts, en juin. Et mes petits-enfants en août. Ils auront au moins profité de grandes vacances. C’est quoi, celui-là ? Les agents de la Poste les plus chauds ? Bah dites donc, y z’ont pas froid ! Pis c’est pas des gringalets comme vous ! Et lui, faudra lui dire que le masque FFP2, c’est pas là que ça se met, il me semble ! Bon, allez, je vous le prends ! Et celui-ci, avec ces drôles de formes pleines de couleurs, c’est quoi ? Pas des sex-toys, quand même ?
- Non, 12 virus parmi les plus dangereux, agrandis au microscope. Allez savoir pourquoi, les gens se passionnent pour ça cette année. Ebola, Corona, VIH, fièvre jaune et j’en passe. Un par signe du zodiaque. Vous êtes quoi comme signe, madame Michu ?
- Oh, moi je suis cancer, alors, vos virus…

(Gaëlliques calendaires – 30 mars)



An Vingt, septain douzième

Tant qu’à manger du foin
puisque l’on me dit bête,
autant fumer de l’herbe
se dit un âne gris.

Lors on le vit brouter
un carré d’herbe verte
sous la fenêtre ouverte
d’une ferme isolée
d’où sortaient en volutes
des fumées d’herbe bleue

L’âne gris, les yeux rouges
hilare, défoncé,
s’exclama : – mon Dieu, que
ce fermier a l’herbette !!!

(Gaëlliques herbeuses – 18 mars)

 

Le printemps allait arriver
J’allais bientôt pouvoir graver
Nos initiales sur le tronc
Du chêne en face de la maison
Où tous les deux nous nous aimions

Hélas ce fut la pandémie
Le confinement, l’asphyxie
L’énervement,
la combustion des sentiments,
le trop-plein,
La détestation

Froidement s’acheva l’hiver
Hier
j’ai gravé nos deux prénoms
Profondément dedans ta chair
Avec
un joli cœur autour
Pour immortaliser notre amour.

Finie la quarantaine
En ce dernier jour de ventôse
Ce matin c’est à peine
Si la branche du vieux chêne
Sous lequel tu reposes
Ploie
sous mon poids

(Gaëlliques printanières – 20 mars)

Nous devons nous laver les mains.
Le savons-nous ?
Je suis saoul sous la pluie.
Hydroalcoolique deviendrai-je ?

(Gaëlliques à genoux – 21 mars)

Je me demandais aussi pourquoi je ne recevais plus de lettres depuis quelques jours ! Je me suis même imaginé des trucs farfelus : que les agents de la Poste détournaient notre courrier pour en fabriquer des masques ou que mon facteur avait chopé ce satané virus. Mais en réalité je crois que c’est mon voisin qui l’a mangé.
Tout à l’heure je l’ai vu jeter à la poubelle une casquette et une veste de postier, et ce soir mon chien a rapporté de derrière la haie qui sépare nos jardins le squelette d’un pied auquel étaient encore attachés quelques lambeaux de chair bouillie.
Je lui ai laissé les os à ronger. C’est que les temps sont durs…
J’espère qu’on aura un nouveau facteur dès demain.
Moi aussi, j’ai faim…

(Gaëlliques postales – 22 mars)

Le vingt-trois, c’est souvent comme ça, je pars de chez moi à vingt-trois heures vingt-trois, et je me retrouve sans m’en apercevoir au beau milieu de la Nationale 23, en pyjama, en me demandant ce que je fous là. Puis je me rappelle qu’on n’est pas encore en 2023 alors je rentre chez moi.

(Gaëlliques noctambules – 23 mars)

- Assassin ! Assassin !
Le type en jogging moulant, bandeau sur le front, MP3 dans les oreilles, montre connectée au poignet et baskets fluo n’eut pas le temps de faire trois pas dans la rue. Un déluge d’objets hétéroclites lui plut dessus : Pantoufles, casseroles, cailloux, excréments canins… Penaud, il rentra chez lui en se tenant la tête où grossissait déjà un bel œuf de pigeon..
Ça allait être long, deux mois sans courir. Et ça allait être un peu lourd, l’ambiance, à la prochaine fête des voisins…

(Gaëlliques sportives – 24 mars)



An Vingt, onzième septain

L’artiste en mal de création
Cherchait un sujet à croquer
Afin d’exprimer sa passion.
Il déplia son chevalet

Après des machines de guerre
Et un nudiste à quatre bras
qui d’ailleurs ne lui plaisait guère
Il voulut peindre Madonna

Mais comme celle-ci ne naîtrait pas
Avant quatre siècles et demi
sur la toile il improvisa.
Après tout, c’était un génie

S’il inventait le rouge à lèvres
Pour la rendre un peu plus glamour
cette fille de ferme si mièvre
vêtue de ses miteux atours ?

Il lui manquait du vermillon
pour la doter d’un pantalon
il lui créerait bien des lunettes
Mais la belle aurait l’air trop bête

Il n’avait plus de noir en rab
pour la revêtir d’un niqab
Il esquissa un simple voile
comme l’araignée tisse sa toile

Mais il eut beau la mettre à l’aise
le modèle ne souriait pas
Pour lui éviter un malaise
Léonard la normalisa

(Gaëlliques de Vinci – 11 mars)

L’idiot se rue sur le p-q
De peur de vraiment trop en chier
en cas de contamination
Pendant que ses enfants blasés
Bien confinés dans leur salon
De tous ces tubes dévidés
Font des lance-grenades en carton
Pour jouer comme dans la télé
Aux manifestations de rue

Il suffit d’un petit virus
pour que l’être humain ait des puces
et gratte son humanité…

(Gaëlliques en carton – 12 mars)

Dans un village un pangolin
expectorait de gros nuages
de poudre de Perlimpinpin
qu’un vilain sorcier récoltait
pour faire de contagieux breuvages
qu’autour du monde il dispersait :

Des liqueurs de paranoïa
Des infusions de médisance
Des philtres de repli sur soi
Des distillats de décadence

Quelques décoctions de rumeurs
et des élixirs de panique
Des soupes de brunes humeurs
Des potions hydro-alcooliques

A trop se tousser dans la bouche
Les gens tombèrent comme des mouches
Même le sorcier pas malin

C’est ainsi que le pangolin
Grand-remplaça le genre humain

(Gaëlliques contagieuses – 14 mars)

Vivement l’automne
Pour que les brocolis ronronnent
Que les petits pois carillonnent
Que les pommes de terre chantonnent
Que les potirons barytonnent
Que les navets résonnent
Que les radis bourdonnent
Que les tomates s’époumonent
Que les haricots nasillonnent
Et que les carottes fredonnent
Pour que les cuistots marmitonnent

(Gaëlliques potagères – 17 mars)



An Vingt, septain dixième

Dans un champ de trèfles à quatre feuilles
J’en ai trouvé un qui n’en avait que trois.
Avant que je puisse le cueillir
Un petit lapin l’a mangé,
M’a regardé effrontément
puis a lâché
un chapelet de crottes brunes
avant de s’enfuir
J’ai bien compté chaque petit tas
et bien noté le résultat
Comme je suis quelqu’un de chanceux
et un poil superstitieux
demain
je le joue au loto

(Gaëlliques champêtres – 4 mars)

Ils sont bien gentils, les fantômes, au château, avec leurs soirées costumées à tout bout de champ, mais c’est moi qui rapièce leurs suaires, qui brode les nappes et les qui tisse les tentures de la salle de bal. Et pas un remerciement.
C’est pas parce que l’ai 8 bras qu’il faut abuser, tout de même !

(Gaëlliques arachnides – 5 mars)

Le secret pour bien cuisiner les afurchons : faire bouillir la noix de caburolle avant de la mélanger au beurre de paravier.

(Gaëlliques culinaires – 6 mars)

C’était pas très sérieux
Après un pack de Corona
De manger cette pizza
Maintenant j’ai la nifle

(Gaëlliques hydro-alcooliques – 7 mars)

Bon d’accord, un méchant virus va tous nous tuer, la Corée du Nord veut atomiser la planète, des milliers de réfugiés fuient leur pays en guerre et sont pris entre marteau et enclume, le mot retraite va disparaître des dictionnaires, les riches se gavent toujours plus, la police française (Heil !) tabasse des femmes, mais tout n’est pas si noir en ce bas monde, la preuve : Lara Fabian a fait changer les règles de The Voice pour sauver une candidate. C’est plutôt rassurant pour l’avenir,
non ?…

(Gaëlliques réconfortantes – 9 mars)

Macron, maestro machiavélique, magouilleur majuscule, magnat mafieux, manitou manucuré, malmène les ministres, muselle les mutins, matraque les manifestants, manipule même les malléables mamies malades en maisons-mouroirs.
Mais ses manigances malsaines de marionnettiste martial manquent de maîtrise et mèneront malheureusement la matoise Marine, mégère mégalomane, des Municipales au matricide de la misérable Marianne, méticuleusement métamorphosée en michetonneuse muette.

(Gaëlliques de campagne – 10 mars)



An Vingt, neuvième septain

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(Gllqs cnsnns – 28 fvrr)

Masque chirurgical et gel désinfectant
Affolement, panique au moindre éternuement
Restez chez vous, mortels et enfilez des gants
Saluons confinés le retour du printemps

(Gaëlliques contagieuses – 1er mars)

Monsieur Bertier, mon prof de gym adore me faire des blagues. Il se cache dans le couloir des vestiaires et crie « Bouh » très fort pour me faire peur quand je passe pour aller prendre ma douche. En général ça marche, je suis trouillarde, c’est ce que dit toujours mon papa.

Mercredi, en faisant des grimaces rigolotes le prof m’a suivie jusque sous la douche pour me faire des chatouilles. Même qu’il a tout mouillé ses habits. Mais moi j’ai pas aimé ses chatouilles.
Ce soir c’est moi qui lui fais une blague. Je suis pas allée en cours, j’ai plus envie de faire de la gym, comme j’ai dit tout à l’heure à papa et maman. Là, papa et ses copains sont partis faire des chatouilles à monsieur Bertier sous la douche à ma place pour lui dire au revoir.
Papa aussi aime faire des blagues.
Je crois que je vais me mettre à la boxe, comme lui.

(Gaëlliques chatouilleuses – 2 mars)

 



An Vingt, septain huitième

1 2 3 une cuillère en bois

4 5 6 du chocolat suisse
7 8 9 assez de blanc d’œuf
10 11 12 mélangez, ça mousse

(Gaëlliques gourmandes – 20 février)

Seul dans l’immense bibliothèque
blotti dans ce fauteuil usé
comme dans un profond sommeil
Tout près de l’âtre dont les bûches
crépitent
à travers le vin de mon verre
un livre à peine défloré à la main
le chat lové sur mes genoux
ronronnant sphinxieusement
mon brave chien couché à mes pieds,
J’écoute
la pluie qui staccate au carreau,
tandis que Mozart symphonise
sur l’antique phonographe,
et je relis les yeux fermés
tous ces contes macabres
que je n’ai pas encore écrits
et dont je suis, qui peut savoir
le personnage
principal

(Gaëlliques idylliques – 21 février)

Un ange m’a chié sur une épaule
Peut-être trouvez-vous ça drôle
Lui n’a trouvé que ce moyen
De m’affranchir sur mon destin

Un ange m’a chié sur une épaule
Les gens y verront un symbole
Mais c’est pour vider ses sphincters
Qu’il est descendu sur la terre

Un ange m’a chié sur une épaule
s’est torché dans son auréole
bruyamment mouché dans ses doigts
s’est ensuite essuyé sur moi

Un ange m’a chié sur une épaule
au mépris de tout protocole
En tanguant s’est posé sur l’autre
m’a parlé comme à un apôtre

Un ange m’a chié sur une épaule
ses yeux vitreux sentaient l’alcool
Il m’a dit t’en fais pas mon gars
De là-haut je veille sur toi

Un ange m’a chié sur une épaule
j’espérais une parabole
J’ai cru qu’il se foutait de moi
Tout ça je le savais déjà

Un ange m’a chié sur une épaule
Et n’a plus dit une parole
Il espérait comme à confesse
Que je lui dégonfle ma vesse

Un ange m’a chié sur une épaule
Eh attendant mais pas de bol
Moi Je n’avais rien à lui dire
j’ai donc abrégé le martyre

L’ange m’avait chié sur l’épaule
Je lui ai filé des torgnoles
Il m’avait pris pour ses latrines
j’allais pisser dans ses narines

Et l’ange a chu de mon épaule
Lui ai mis des coups de guibolles
Arraché ses plumes une à une
Et lui ai collé quelques prunes

Ah, Il faisait moins le mariole
La tête en sang dans la rigole
Faut jamais chercher des embrouilles
A la doyenne des gargouilles

Moi on ne se paie pas ma fiole
Les anges n’ont pas de camisole
Surtout pas les anges déchus
Je le sais, j’ai la queue fourchue

Mais gare au prochain qui rigole
Gare, l’ange a repris son vol
Méfie-toi quand un ange passe
Qu’il ne te file pas la chiasse

Moi je retourne à mon clocher
Prière de ne plus déranger

(Gaëlliques divinatoires – 22 février)

L’écharpe de laine achetée au début de l’hiver enroulée autour de son cou était désormais sa seule source de chaleur après que les huissiers avaient coupé l’électricité de son petit appartement mansardé pour non-paiement de ses factures. Monté sur le tabouret, il regarda vers la poutre soutenant le plafond en se disant qu’il allait enfin savoir si elle était aussi solide que chaude, cette écharpe.

(Gaëlliques hivernales – 23 février)

Après leur trêve de janvier
les lutins désœuvrés
se mettent à
casser
détraquer
bousiller
déglinguer
éclater
disloquer
broyer
un à un
avec un bel entrain
tous les jouets neufs
des enfants riches du monde entier
que leur patron
a distribués en fin d’année
pour pouvoir en refabriquer
avant le Noël d’après

(Gaëlliques après-vente – 24 février)



Gaëlliques An vingt, septième septain

Le marié s’emporte :
La mariée l’exhorte.
Ah, elle veut qu’il la porte ?
Qu’en homme il se comporte ?
Eh bien diantre, qu’importe !
La tension est trop forte
Il n’y va pas de main morte,
La soulève et l’emporte.
Sa tête heurte la porte
Lui sectionnant l’aorte.
Les noceurs les escortent,
On leur prête main-forte
Mais leur idylle avorte :
La voilà raide morte

Depuis lors on colporte
Qu’elle nourrit des cohortes
De vers et de cloportes

(Gaëlliques maritales – 12 février)

 

Chevalier revient des croisades
Après sept ans passés au loin
Retrouve sa mie fort malade
Ce matin de Saint Valentin

La ceinture est toujours en place
Mais la belle a bien dérouillé
La septicémie la terrasse
Le cadenas est fort rouillé

Cherche la clé de la serrure
pour délivrer sa dulcinée
Mais vite fait pâle figure
En ne retrouvant pas l’objet

Lève un cil et soudain panique
Vide havresac et besace
Sa bourse pleine de reliques
Le Saint Graal choit et se fracasse

Mais preux chevalier n’en a cure,
De ce trophée de camelote
Remet bien vite son armure
Et s’en repart de Camelot

Il suppose que le sésame
un soir d’ivresse a dû tomber
Près de la couche d’une dame
D’un petit bordel de Tanger

Il se triture la cervelle
C’était sans doute à Antioche
Les yeux verts de cette infidèle
Qui lui fit le cœur et les poches

Ou plutôt cette chypriote
qui une nuit l’ensorcela
juste en fredonnant quelques notes
quand pour lui elle se dénuda

Il sait maintenant où chercher
il se souvient de l’air canaille
de cette hérétique enchaînée
après l’assaut sous les murailles

Il n’a pas résisté aux charmes
de la fille de ce harem
C’est parti, il reprend les armes
la clé est à Jérusalem

Chevalier repart aux croisades
Retourne se vider les couilles
On en fera une ballade
Pendant ce temps sa dame rouille

(Gaëlliques de chasteté – 14 février)

Chéri

J’ai changé les serrures

Tes affaires sont dans ces sacs poubelle

Avec notre amour

Amitiés à ta secrétaire

et à ton avocat

Raymonde

(Gaëlliques épistolaires – 16 février)



Gaëlliques An vingt, septain sixième

Début février

C’est encore loin l’été
On a froid aux pieds
Et notre peau hésite

On est un peu sonnet
On se sent tout ballade
On combat la deep rime

Alors on prend un vers
Et on roule distique
En jouant aux tercets

(Gaëlliques frileuses – 7 février)

Je dois impérativement me rappeler de ne surtout pas choper Alzheimer, mais pourquoi ? se demande Bubulle le poisson rouge à chaque tour de bocal.
(Gaëlliques mémorielles – 8 février)
 
Nos dernières vacances furent extipantes : sans eau pour recanter notre voiture sirupide, nous dûmes campiller sous un arbre vérifon en attendant qu’il bimule le moteur.
(Gaëlliques canachées – 10 février)
Le sort était jeté et les effets s’en faisaient déjà sentir.
Les yeux de Blanche-Neige allaient de son grand lit au test de grossesse qu’elle tenait dans sa main.
Mais duquel de ses sept compagnons avait-elle manipulé la baguette magique sans précautions ?
(Gaëlliques naines – 11 février)


Gaëlliques An vingt, cinquième septain

Le vieux lion édenté
fête son anniversaire
au menu, écrasé
de fourmis légionnaires
soupe de chimpanzé
purée de chiroptère
antilope en gelée
et enfin en dessert
coulis de perroquet
smoothie de phacochère
suricate en sorbet
bosse de dromadaire

Rien que du prémâché.
Tout ça devrait lui plaire.
Facile à digérer
Pour un roi sans molaires

(Gaëlliques de la savane – 29 janvier)

J’aurais pas dû tant boire hier soir. Et j’aurais pas dû prendre ce pari stupide.
Je sens que ça va être coton cet après-midi de placer ikebana, rapin, guipage, némathelminthe et sakieh dans mon discours à l’Assemblée Nationale !

(Gaëlliques parlementaires – 30 janvier)

Je moustapends une dernière cigarette
En regardant ratouflaquer la pluie
Sur le trottoir corupatissant

(Gaëlliques pilaneuses – 31 janvier)

To-do liste de février :
Prendre des vacances à Bakou
Planter un arbre à came
Montrer mon dessin à Minet
Se mettre un bonbon dans le nez
Changer le rouge en vers

(Gaëlliques farfelues – 1er février)

- Ce soir, dîner chez maman.
J’ai reçu de ma femme le laconique SMS bardé d’émoticônes alors que je déjeunais avec mes collègues à la cantine de l’entreprise. Par dépit, j’ai pris du rab de cassoulet.
Le soir, à table,mon estomac s’est mis à se tordre et à gargouiller comme un beau diable dès l’entrée. Je me suis rué vers les toilettes en m’excusant sous le regard courroucé de ma femme pendant que sa mère, qui n’avait rien remarqué, allait chercher à la cuisine le plat de résistance.
Une fois à l’abri dans l’exigu lieu d’aisance, j’ai lâché un pet immonde, qui aurait été du plus vilain effet s’il était survenu devant ma belle-famille attablée. De quoi manger de la soupe à la grimace et dormir sur le canapé pendant une semaine une fois rentré à la maison.
L’odeur est montée à mes narines, me tirant un sourire. Agréable, somme toute, mais je doutais qu’elle fît le même effet sur les autres convives s’ils venaient à utiliser les toilettes dans la demi-heure suivante. J’ai tenté, en vain, d’ouvrir le petit fenestron. Pas de bombe désodorisante non plus. J’ai agité la main, espérant dissiper le malaise qui ne manquerait pas de survenir à la prochaine personne prise d’un besoin pressant. Je n’appréciais pas spécialement ma belle-mère (ni sa cuisine) mais je voulais lui éviter la syncope. Peine perdue, le nuage, invisible mais ô combien odorant, persistait.
Je suis sorti des toilettes et l’odeur âcre du plat tout juste sorti du four, qui avait envahi tout l’appartement, a immédiatement assailli mes narines, me provoquant aussitôt un terrible haut-le-cœur. Ma belle-mère n’était définitivement pas un cordon bleu…
Ne me voyant pas poursuivre la soirée en apnée au milieu de ma belle-famille, j’ai fait la seule chose qui me paraissait sensée : je suis rentré dans les toilettes.
Les effluves étaient toujours là, moins intenses. Pour être complètement sûr, j’ai largué une autre caisse, tout aussi odorante que la première. Soulagé, j’ai repris plusieurs profondes inspirations.
Avec un peu de chance on allait m’oublier jusqu’au dessert.

(Gaëlliques inspirées – 2 février)

A l’asile, Blaise,
Le bailli balaise,
balise.

La bise à la belle, la baisable Isabelle ?

Il essaie.
A l’aise !

Il l’assaille, la lie à l’esse,

La saille,
La liesse !
La baise labiale à Elise bissée,
Il se lasse.
Lisa, l’abbesse, il l’a saisie,
Saillie, blessée !
Elle biaise, blasée, salie.
Elle a les abeilles.

Il les laisse à la salle,
Babille à la bibli,
Bâille, las.

Là,
Isabelle, Lisa, Elise alliées,
Il balise, Blaise,
Le bailli balaise,
les balles liées.

 

(Gaëlliques labellisées – 3 février)

Bon d’accord, j’avais si peu de budget pour tourner ce court-métrage sur le tour de France qu’on a dû filmer en février, faute de disponibilité des routes en juillet. Mais ce matin j’ai dû revoir entièrement le script quand les 150 vélos qu’on avait commandés à l’accessoiriste sont arrivés. Ça va être compliqué de faire pédaler Depardieu et les autres vedettes sur des vélos de taille enfant. Au final, heureusement que mon budget figuration ne m’a permis de recruter que des nains….

(Gaëlliques cyclopédistes – 4 février)



Gaëlliques An vingt, septain quatrième

La plèbe les conspue, tous ces tyranneaux claudes

Qui d’un Dieu tout puissant se croient coéternels

Et devant leurs vassaux se proclament indigètes.

Ils lui imposent en masse des édits frustratoires

Sous le joug armuré de forces stipendiaires

Pour mieux masquer aux yeux du peuple fragmenté

La vaste étendue de leur vide sincipital

(Gaëlliques surannées – 23 janvier)

- Allez, mon lapin, ratisse-toi la soupière, va troubler le miroir et au lit !

- Mais, maman je me la suis déjà ratissée ce matin !..

- Deux fois par jour a dit le gingiviste, sinon tu vas choper des carottes !

(Gaëlliques orthodontistes – 24 janvier)

- Trois côtes cassées, un poignet démis, un traumatisme crânien, et tout ça en dormant, mais comment donc avez-vous fait votre compte, monsieur le commissaire ?
- Que voulez-vous, docteur, j’étais dans de beaux draps. Je poursuivais un  rêve et il a résisté à son arrestation !

(Gaëlliques policières – 27 janvier)

 



Gaëlliques An vingt, troisième septain

Foliculteur, trice : n. Personne dont l’activité professionnelle consiste à semer des graines de folie dans les jardins secrets des tristes sires. (syn. embellificoteur)

(Gaëlliques thérapeutiques – 15 janvier)

 

Ce matin,
c’est le vingt
je voudrais bien
qu’un ange gardien
se mêle enfin
à mon destin
de bohémien

mais il est déjà midi vingt
j’ai encore espéré en vain

(Gaëlliques angéliques – 20 janvier)



Gaëlliques An vingt, septain deuxième

Trop arrosé une teuf ?

Une cuite à tuer un bœuf ?
Quelques gouttes du sang d’un veuf
Pendu sous le pont-neuf
(Pas beaucoup, huit ou neuf…)
Mélangées à un jaune d’œuf
Et vous vous sentirez tout neuf,
Prêt à emballer toutes les meufs..
C’est pas du bluff !

(Gaëlliques éthyliques – 9 janvier 2020)

 

Dix secondes après sa naissance, Jehanne poussait son premier cri
Dix ans après elle se droguait et entendait des voix
Dix heures après sa mort, elle arrêtait enfin de fumer

(Gaëlliques fumeuses – 10 janvier)

 

Obsessionnel besoin
Éphémère passion
Attirante tractation
Ridicule illusion

(Gaëlliques en solde – 11 janvier)

Seule une section de 12 poulets casqués et armurés occupait la petite place quand de toutes les rues attenantes se déversèrent des hordes de filets jaunes surexcités. Très vite pépiements et caquètements furieux se muèrent en salves de battements d’ailes de défense pour finir par de bestiales prises de bec. Ego contre ergot, les deux factions se mirent une volée à grands coups de pilons dans les mandibules, si bien qu’on ne distingua bientôt plus que du jaune sang à travers les nuages de fumigènes. Les dindons de la farce de l’ordre y perdirent quelques plumes mais après dispersion des séditieux filets par les coqs à la solde du couvernement arrivés en renfort qui se rengorgeaient victorieusement et une fois la fumée dissipée, on trouva sous la douzaine de poulets encore traumatisés une douzaine d’œufs fraîchement pondus.

(Gaëlliques à la coque – 12 janvier)

Accordez-moi un livre, un chapitre de plus, une page cornée, une ligne tremblante, un mot, oui, un mot juste, rien qu’une lettre encore, même la goutte d’encre du maudit point final, à lire ou à écrire, de quoi jusqu’à ma mort émerveiller ma vie…

(Gaëlliques de papier – 13 janvier)

Hiver aryen
Aveuglément
Recouvre tout
D’un voile blanc

(Gaëlliques climatiques – 14 janvier)



Gaëlliques An vingt, premier septain

Petits textes de mon c(r)u

issus des jeux d’écriture

du Créalendrier de Gaëlle Pingault

Pour bien commencer l’année
Il ne faut surtout pas négliger
Ses amis de l’année passée
Il ne faut surtout pas lésiner
Sur bonne chère et rince-gosier
Moi je voulais vous souhaiter
de la santé, de la gaieté,
juste ce qu’il faut de pognon,
quelques bons livres à dévorer,
aux artistes l’inspiration
de l’amour sans modération
et deux mille vins sans un bouchon

(Gaëlliques – 1er janvier)

Couché sous un plaqueminier
Qui poussait au bord du sentier,
(un fait dont je suis coutumier),
Ses beaux fruits en guise d’oreiller,
Auprès de Morphée réfugié
Doucement je me momifiais
En me rêvant usufruitier.

Y avait pas de quoi m’excommunier…

(Gaëlliques fruitées – 2 janvie

Pour que cette année soit du gâteau
Je vous fouette
mes meilleurs œufs

(Gaëlliques pâtissières - 4 janvier)

 

Cette année, pour l’Épiphanie, Mémé avait refusé qu’on apporte une galette, prétextant le mauvais goût de celles vendues dans le commerce. Elle préférait la faire elle-même, « à l’ancienne ».
« - Au moins dans la mienne je sais ce qu’il y a ! Tout est naturel ! Pas comme dans ces saletés industrielles pleines d’additifs ! »
On n’a pas regretté, du moins jusqu’à ce que papa, en faisant une grimace qu’il espérait discrète, retire de la part dans laquelle il venait de croquer un long cheveu gris et que Timothée, du haut de ses quatre ans, la bouche encore pleine de frangipane maison, crie « J’ai la fève ! » en brandissant fièrement entre pouce et index la dernière molaire de Mémé…

(Gaëlliques galettiques – 6 janvier)

C’est aujourd’hui le sept
mettez une salopette
partez en trottinette
sur la nationale 7
des slogans plein la tête
lutter pour vos retraites
jusqu’à ce que les cons pètent

(Gaëlliques politiques – 7 janvier)



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